Créer un site internet

Les philo-cognitifs

  

Suite à une étude menée sur le cerveau d'enfants de 8 à 12 ans, Olivier REVOL, Fanny NUSBAUM et Dominic SAPPEY-MARINIER proposent un nouveau terme pour désigner les enfants surdoués. Ils ont choisi de les appeler "philo-cognitifs".

Ce terme évoque le fait que ces enfants ont énormément besoin de penser, de se poser des questions sur tout, sur des détails de la vie quotidienne ou des questions existentielles. Ils surinvestissent la sphère cognitive.

L'étude a porté sur des enfants, mais l'adulte surdoué fonctionne de la même façon.

A cette occasion, ils ont sorti un livre qui reprend ce nouveau terme et explique les résultats de leur étude : « Les philo-cognitifs : ils n’aiment que penser et penser autrement » : Cliquer ICI.

Olivier REVOL est pédopsychiatre et dirige le service des troubles des apprentissages à l'hôpital neurologique de Lyon.

Fanny NUSBAUM est docteur en psychologie et chercheuse en psychologie et neurosciences à l’Université de Lyon.

Dominic SAPPEY-MARIGNER est enseignant-chercheur et biophysicien. Il travaille à la Faculté de médecine de Lyon.

     

Les conclusions de l'étude

 

L'étude a d'abord montré, grâce à l’imagerie médicale, que dans le cerveau des enfants précoces, il y a plus de connexions en intracérébral (à l’intérieur de chaque hémisphère) et entre les deux hémisphères. L'information circule plus vite et ça se voit à l'IRM.

L’IRM de diffusion permet de voir comment fonctionnent les liaisons entre les neurones, par le biais des axones. Des IRM de diffusion pratiquées sur des enfants, précoces ou non, ont montré que les axones des enfants à haut potentiel ont un transfert plus rapide. La conduction de l’information au sein du cerveau se fait mieux et plus rapidement chez ces enfants.

Les deux hémisphères cérébraux sont reliés par le corps calleux, qui, lui aussi, est plus efficace chez les enfants précoces. La communication est meilleure entre les neurones et également entre les deux hémisphères.

 

L’étude montre également qu’il est possible de repérer un haut potentiel grâce à trois caractéristiques présentes chez tous les philo-cognitifs : l’hyper-spéculation, l’hyperacuité et l’hyper-latence.

Le test de QI permet généralement de confirmer l’hypothèse d’un haut potentiel, mais ce n'est pas toujours le cas, si l'enfant est trop angoissé, par exemple. Une évaluation du QE, le quotient émotionnel, serait intéressante, mais il n’existe pas encore d’outils valables aujourd’hui.

L’identification du haut potentiel se fait à partir d’un test psychométrique : la WPPSI chez l'enfant de 2 ans et demi à 7 ans, le WISC pour l'enfant de 6 à 16 ans et la WAIS pour les jeunes de plus de 16 ans et les adultes de moins de 80 ans.

Un haut potentiel est avéré si le QI atteint ou dépasse 130 ou si l’un des deux indices de raisonnement (ICV, l’indice de compréhension verbale ou IRF/IRP, l’indice de raisonnement non-verbal) atteint 130. Il n’y a pas de faux-positif : on ne peut pas faire semblant d’être à haut potentiel. Il y a, par contre, des faux-négatifs, si la personne est stressée, fatiguée, si elle cumule un haut potentiel avec un trouble d’apprentissage, comme un trouble déficitaire de l’attention. Pour attester d’un haut potentiel, il faut donc également que le psychologue tienne compte du contexte et du profil de la personne et non pas seulement des scores obtenus au test de QI.

Dans le profil, le psychologue doit retrouver : 

L’hyper-spéculation qui désigne le besoin de pousser plus loin le raisonnement, d’extrapoler, de chercher la petite bête, de réfléchir sur des choses qui paraissent évidentes pour les autres et de les remettre en question. Le philo-cognitif aime se creuser la tête et se poser mille questions. C'est un besoin presque vital qui a, entre autre, pour but de se rassurer, de contrôler l'environnement et la peur, par anticipation, planification, rationalisation... Analyser et se poser tant de questions est aussi une quête de sens, car la personne à haut potentiel a besoin que les choses aient un sens.

L’hyperacuité qui est une sorte de radar. Elle correspond à l'hypersensibilité émotionnelle et sensorielle. Le système de saillance, qui veille pour nous avertir du moindre danger, est plus en alerte chez les personnes à haut potentiel, sur le plan cognitif, émotionnel et sensoriel. Les surdoués captent énormément de choses.

L’hyper-latence qui consiste à se déconcentrer, à avoir la pensée qui part dans tous les sens. Le « mode de réseau par défaut » est à l’origine de cette dispersion de la pensée, qui est normale quand on n’a pas besoin de penser à quelque chose en particulier. Il est plus connecté chez les philo-cognitifs, ce qui explique cette pensée en arborescence, qui se disperse plus facilement et plus fréquemment chez eux. De plus, il se passe plein de choses au niveau cognitif alors même qu’ils ne sont pas concentrés, que leur pensée part dans tous les sens ou qu’ils dorment. C’est une sorte de boucle mentale, un réassemblage permanent des pensées, dont ils ne sont pas conscients et qui conduit parfois à un « Euréka, j’ai trouvé ».

 

L’étude a montré, enfin, une différence entre les profils laminaires et complexes :

A l’imagerie médicale, la différence de fonctionnement se traduit par une connectivité augmentée chez tous les philo-cognitifs (laminaires et complexes), mais elle est encore plus importante chez les personnes qui ont un profil laminaire.

Chez les laminaires, le réseau est très homogène : toutes les régions du cerveau communiquent très efficacement entre elles.

Chez les complexes, le réseau est un tout petit peu moins homogène. La connectivité est un peu moins efficace.

Cela montre que les profils hétérogènes repérés par les tests de QI se vérifient par imagerie médicale et donc que les tests de QI sont fiables.

L’augmentation de connectivité chez les complexes est plus importante dans l’hémisphère gauche alors qu’elle est plus importante dans l’hémisphère droit chez les laminaires. Il y a une différenciation hémisphérique qui est directement vérifiable par imagerie médicale.

Tous les surdoués ont un grand besoin de contrôle, car ils sont angoissés et pensent beaucoup. Contrôler leur sert à se rassurer. Le laminaire contrôle plus, non pas parce qu’il en a plus besoin que le complexe, mais parce qu’il a davantage de capacités pour inhiber.

Les profils laminaire et complexe ne sont que des dominantes. Il y a surtout de grandes similitudes entre les personnes à haut potentiel. De plus, les dominantes peuvent évoluer dans un sens ou dans l’autre : un peu plus laminaire et moins complexe qu’avant ou l’inverse. Par contre, il semble impossible de passer complètement d’une dominante à l’autre.

L’étude n’a pas pu mettre en évidence si les profils laminaires et complexes concernent plutôt les filles ou les garçons, mais il est vrai que les filles se suradaptent plus facilement et, si elles ont un profil complexe, celui-ci est souvent moins visible.

Les cerveaux féminins sont mieux latéralisés. Par exemple, le langage est traité à 80 % dans l’hémisphère gauche et à 20 % dans l’hémisphère droit chez l’homme alors qu’il est traité dans les deux hémisphères, à peu près pour moitié, chez la femme.

  

Les philo-complexes

  

Les philo-complexes ont très souvent un ICV (Indice de Compréhension Verbale, c’est-à-dire ce qui évalue l’intelligence verbale) plus élevé, car l’hémisphère gauche, dédié au langage, est mieux développé. Le langage du petit enfant philo-complexe est souvent très précoce.

La sur-connectivité constatée chez le philo-complexe est surtout importante dans le cerveau gauche, celui qui traite le langage et le langage intérieur. Chez lui, c’est l’hémisphère gauche qui pilote les deux hémisphères. Il a une pensée très personnelle, car il est beaucoup dans ce langage intérieur très riche, qui est peu influencé par l’extérieur. Quand il a une idée et qu’il la confronte à l’extérieur, il ne cherche pas à infirmer son idée, mais recherche tout ce qui pourrait confirmer sa pensée. Il veut toujours avoir raison. Il est peu influençable et s’obstine.

Cette prédominance se fait au détriment de l’hémisphère droit et notamment de capacités très importantes qui servent à contrôler nos inhibitions et nos impulsivités (au niveau du cortex pré-frontal dorso-latéral droit). Ces capacités de contrôle sont très importantes pour bien se comporter en société. Les différences comportementales entre les deux profils, laminaires et complexes, s’expliquent donc en partie par une différence de fonctionnement de leur cerveau.

Leur moindre capacité à contrôler leurs inhibitions et leur impulsivité peut expliquer que les enfants philo-complexes aient plus de mal à intégrer les règles. Ils ont également un modèle interne très fort et rigide et ont du mal à concevoir que les autres voient les choses autrement. S’ils s’opposent, ce n’est pas par défiance par rapport à l’autorité ou pour embêter le monde, mais parce que leur vision est différente et qu’ils veulent défendre leur vision. Ils ne se rendent pas compte que leur vision est différente et provocatrice. Par exemple, certains ne peuvent pas comprendre que ce que dit un adulte a plus d’importance que ce que dit un enfant ni qu’un enfant doit obéir aux adultes.

Ils n’ont pas la notion de la différence hiérarchique et trouvent normal de parler de la même façon à tout le monde, quel que soit le statut de leur interlocuteur. Ils acceptent mal l’autorité.

Parfois également, ils ne peuvent pas intégrer certains apprentissages parce qu’ils ne peuvent pas percevoir une autre façon de penser que leur vision.

L’hémisphère gauche est plutôt tourné vers l’intérieur et le modèle interne. L’hémisphère droit est plutôt tourné vers l’extérieur, c’est un évaluateur pour trier les données, pour évaluer les informations et décider lesquelles sont pertinentes. Pour apprendre de nouvelles connaissances, il faut admettre que d’anciennes connaissances n’étaient pas si justes que ça. Il faut inhiber ce que l’on sait pour acquérir de nouvelles connaissances. Les complexes ont un peu de mal à inhiber ce qu’ils savent et donc à acquérir de nouvelles connaissances.

Le cortex pré-frontal est un peu moins performant chez les complexes. Ils contrôlent moins leur comportement et leurs émotions. De même, la planification et la gestion du temps leur posent souvent problème.

Les amygdales cérébrales sont minuscules, mais très importantes. Elles gèrent les émotions et notamment la peur. Leur activité est un peu augmentée chez les personnes à haut potentiel et surtout chez les philo-complexes, ce qui explique leur hyperacuité.

Les philo-cognitifs ont généralement plus de difficultés s'ils ont un profil complexe. Ils peuvent présenter des difficultés comportementales ou d’adaptation. Ils n’ont pas toujours les codes sociaux et se sentent incompris. Ils sont particulièrement sensibles et prennent trop les choses à cœur. Ils sont dans le tout ou rien, investissent à fond ce qui les intéressent et sont incapables de se mobiliser s'ils ne sont pas motivés. Ils n’entrent pas dans les cases, ne répondent pas à la demande scolaire ni sociale.

Ils passent rarement inaperçus. Ils dérangent parfois, car ils ont une pensée atypique. Ils plaisent ou déplaisent, mais laissent rarement indifférent. Ce sont des visionnaires, grâce à leur grande imagination, leur créativité et leur questionnement incessant.

Ils ont une grosse avidité émotionnelle, un grand besoin d’amour et d’attention, car depuis tous petits, ils ne se sentent pas à leur place, contrairement aux personnes à profil laminaire qui sont généralement appréciées et qui font consensus.

Le philo-complexe a confiance en lui (pour défendre ses idées et s’imposer au monde), mais a souvent une mauvaise estime de soi, c’est-à-dire une faible capacité à se sentir valable, à se penser quelqu’un de bien.

Le philo-complexe a tendance à être dans le collage émotionnel, dans la sympathie : il a du mal à se distancier de l’émotion de l’autre et se laisse envahir par cette émotion. Il est très affecté par ce que ressentent les autres et parfois plus fortement : si une personne a un souci, il est encore plus triste que cette personne. On est au-delà de l’empathie.

 

Les philo-laminaires

 

Les philo-laminaires ont des capacités homogènes et peu de troubles sociaux et émotionnels. Ils cherchent à créer un consensus social. Ils veulent que leurs proches se sentent bien et soient en sécurité. Ils agissent au service de la communauté et ne dérangent pas. Ils sont socialement adaptés, car leur dominance cérébrale est dans l’hémisphère droit, celui de l’adaptation et de l’ouverture au monde. Ils sont empathiques et répondent correctement à ce qu’on attend d’eux. Ils ne dérangent pas le système et le consolident. On a besoin d’eux.

Leurs difficultés se voient moins. Elles portent sur l’émotion. Ils comprennent très bien l’émotion chez autrui, s’en servent pour que l’interaction sociale se passe bien, mais ils n’aiment pas l’émotion. Ils ont besoin de rationaliser, car leur cortex pré-frontal est très performant. Le philo-laminaire se protège des émotions et ne se laisse pas contaminer par l'émotion des autres. Il est dans l'empathie. Il sait se mettre à la place d'autrui, mais peut se distancier, contrairement au philo-complexe.

Alors que le philo-complexe a un rapport compliqué aux émotions, sur un mode explosif et franc, le laminaire a un rapport qui paraît plus simple, mais qui peut également le faire souffrir. Il n’aime pas éprouver les émotions trop fortes. Il apprend à les inhiber (grâce à son cortex pré-frontal latéral droit qui est performant) et a tendance à remplacer ses émotions par des sensations (maux divers, douleurs). Il somatise facilement. Son fonctionnement émotionnel est plus adapté socialement, mais ne le rend pas forcément plus épanoui.

Chez l’enfant à profil laminaire, le langage n’est pas forcément précoce, mais apparaît d’emblée correct, car c’est un observateur : il a besoin de temps pour intégrer les informations, mais ensuite, il est très performant.